
Février 2024 : début de la mise en groupe des chevaux. La différence avec une intégration est majeure. Il ne faut pas seulement introduire un individu dans un groupe stable, mais réunir plusieurs chevaux dont les 2/3 ne se connaissent pas. Tout est exponentiel : le nombre de rencontres, de liens sociaux à développer et… les risques.
En amont, leur état de bien-être a été évalué pour s’assurer qu’il ne se dégrade pas lors du protocole de mise en groupe et suivre son évolution une fois la mise en groupe réalisé. C’est la clé pour s’assurer que ce que l’on propose au cheval améliore sa qualité de vie et que ce changement ne va pas ajouter du stress. Qu’il concoure en haut niveau ou pas, le maintien d’un bon état de bien-être permet une bonne relation à l’humain (sans agressivité), une baisse du stress dans toutes les situations et une meilleure disponibilité dans les apprentissages et les entrainements, voire les compétitions.
Elaborer un protocole de mise en groupe (ou d’intégration) demande à la fois de savoir
- – choisir les bons binômes,
- – définir de la durée de mise en contact,
- – ajuster si besoin la progressivité de la mise en contact
- – quand passer aux étapes suivantes.
Un protocole n’est jamais figé : il s’adapte aux chevaux, à ce qu’ils nous disent par leur comportement et aussi aux aléas : la météo, les sorties en concours, etc.
L’objectif de la mise en contact est de permettre aux chevaux de se connaitre, de commencer à tisser des liens, sans risque de blessures ou de vivre une mauvaise expérience qui serait néfaste pour la suite.
Le protocole permet l’expression des comportements sociaux, avec un minimum de tensions.
Lors des premières mises en contact, les chevaux ont été surveillés de très près par EquiBEE (Alexandra Mailliard) pour évaluer leur comportement et permettre de les séparer AVANT que cela ne dégénère.
Des comportements indicateurs, définis en amont, permettent d’intervenir au bon moment.
Si les juments ont été faciles à mettre en groupe (la littérature scientifique dit la même chose).
Les hongres ont demandé plus d’adaptation du protocole : durée, changement de binôme. Ils nous ont challengé absolument sur tout !
La difficulté avec les chevaux de sport c’est que leurs conditions de vie après le sevrage ne leur permettent pas l’apprentissage de la totalité des compétences sociales.
Parmi les hongres, nous avions des chevaux totalement incompétents. Alors, il a fallu créer un cadre sécurisé et exempt de stress pour qu’ils aient la possibilité d’apprendre. Et même si cela a été plus long que prévu, tout s’est bien passé, sans blessure et avec un stress minimal pour tous : chevaux et humains.
Au regard des premières mises en contact, nous avons fait évolué l’espace de l’écurie active pour tenir compte de l’incompétence des chevaux. Le design de l’écurie a été réalisé par Sabrina Peyrille et Morgane Bethelot, mes collègues et co-fondatrices d’EquiBEE.
Nous avons sacrifié une partie de la prairie pour leur offrir un espace plus grand sur l’écurie . Cet espace supplémentaire permettait un pâturage favorisant l’apaisement lors du déménagement.
Sur le long terme, l’intérêt de cette prairie sacrifiée est d’offrir un espace vital plus grand, qui diminue les tensions sociales, et offre d’autres zones d’exploration, une aire pour l’enrichissement du milieu de vie.
Les prairies dédiées au pâturage tournant leur permettent d’avoir la diversité alimentaire nécessaire au cheval. Les haies fourragères complèteront cette diversité dans les années à venir.
Aujourd’hui, même les plus incompétents ont acquis les compétences nécessaires pour vivre en groupe.
Le 10 avril 2024, les 12 chevaux découvraient leur nouveau lieu de vie et commençaient à vivre en groupe H24, 7/7. Ce sont les juments qui sont arrivées les premières, étant plus calmes, elles ont permis un apaisement plus rapide des hongres. Et passé un effet « youpi » (galop en groupe avec quelques ruades) à l’arrivée des deux groupes, tout s’est très vite calmé.
Notre plus belle récompense avec mes collègues d’EquiBEE:
– permettre à des chevaux de sport de vivre comme des chevaux et ainsi d’améliorer considérablement leur bien-être
– des chevaux disponibles au travail, plus souples, ayant une excellente relation à l’humain
– des performances maintenues, voire améliorées (Caramel d’Orchis, 2 fois 2ème du Grand National quelques semaines après son déménagement sur l’écurie active)
– des humains qui ont diminué leur temps de travail (entretien réduit d’un temps plein à 3h) et la pénibilité (manipulation lourde)
Depuis, nous avons mis en place un protocole d’enrichissement du milieu de vie pour la période hors pâturage et pendant les concours.
Ces enrichissements permettent de prévenir les tensions sociales sur l’écurie active, qui représente un espace à la fois restreints et ayant peu d’intérêt du point de vue du cheval.
En concours, les conditions de vie changeant drastiquement (les chevaux repassent en box individuel très souvent), il permet de limiter la frustration et le stress de ce changement certes ponctuel, mais brutal pour les chevaux.
Le bien-être a été évalué les jours suivants le déménagement, mais aussi régulièrement dans les mois qui ont suivi. Nous continuons de le suivre régulièrement, ne serait que pour vérifier que l’enrichissement du milieu de vie convient aux chevaux. Cette évaluation est faite sur la base des indicateurs scientifiques faisant l’objet d’un consensus scientifique.
Depuis quelques semaines, les chevaux pâturent une partie de leur journée (de 16h à 8h) et restent sur l’écurie active pour être disponible pour l’entrainement.